LEXIQUE : AZAWAKH - OSKA - LEVRIER DE L'AZAWAKH ?
La façon dont on nomme les choses renseigne certes sur leur substance, mais aussi sur le regard que nous leur portons, et donc sur nos compétences, nos carences, nos attentes, ou nos lentilles déformantes.
Rappelons qu'à son arrivée en France en 1968 notre chien a d'abord été appelé "sloughi". Puis, sur le conseil avisé et critique des connaisseurs du sloughi, notre recherche nous a amené à proposer "lévrier touareg", ou "lévrier berbère", ou "oska".
C'est le dictionnaire touareg-français de Charles de Foucauld qui nous a indiqué le terme "oska" comme parfaitement univoque et présent dans les divers dialectes des Kel Tamajeq, dialectes relevant tous de la langue berbère, appelée par ses locuteurs "amazirt".
Les enquêtes de terrain de Maryvonne Parigi et de Bruno Lamarche (en 1970-72) et récemment les nôtres en compagnie de Jean-Louis Grünheid dans le Tassili des Ajjer (en 1999-2000) ont confirmé ce fait, attesté par les lexicographes qui donnent au terme oska une ancienneté d'au moins deux millénaires.
En langue touarègue, le "beau lévrier" (dixit Foucauld) est nommé "oska", "idi" étant le terme générique pour désigner le chien, "aberoh" et "abaïkour" désignant une forme mâtinée de l'oska. L'hétérogénéité des types dans un même espace géographique n'est donc pas un phénomène nouveau. Ce qui nous montre bien que les éleveurs sahariens ont pratiqué un élevage discriminant (une sélection) depuis l'origine de leur culture. Les catégories de leur langue nous le révèlent. Ainsi les choix dits arbitraires que nous avons opérés en établissant puis en précisant, dernièrement, le standard, ne font que prolonger, perpétuer les choix de nos illustres prédecesseurs dans le façonnage de cette race canine.
Malgré l'appellation que notre "Club du Lévrier Touareg (Oska)" avait proposée en 1973, en s'appuyant aussi sur le travail (la thèse de vétérinaire) de François Roussel, la FCI a adopté, pour une raison administrative que nous n'admettions pas, la dénomination "Azawakh". Certes ce terme est court, bien sonnant, mais il n'est pas juste : Azawakh étant un terme géographique qui désigne une vallée sèche, et dans la langue des pasteurs, un vaste espace de paturages généreux.
Cette erreur frustrante nous a amené depuis trente années à ne jamais oublier les appellations "lévrier de l'Azawakh" et "Oska". Ce qui explique que dans le récent travail de précision du standard nous avons insisté pour que la nouvelle version se réfère à ce vocable, et que le préambule du texte mentionne aussi ce nom précis et pertinent: Oska. Et plus précisément, d'ailleurs, car il n'y a pas une parfaite correspondance entre les systèmes vocaliques du touareg et du français, il faudrait écrire "Ouska".
Cette mise au point posée, rappelons que le terme "azawakh" est aussi associé à une race de vache, un grand zébu (bos indicus), à la robe acajou, au bel encornage en lyre, aux yeux fardés, et bonne laitière...
Mais nous les amateurs continuons d'appeler nos compagnons "azawakh, aza..." ou "mon tout fou, ma chérie, mon chouchou", au fil de nos sentiments, et de notre bonheur. Et tant mieux !
Cette appellation exprime bien la familiarité affective qui nous lie à ces chiens, mais n'oublions pas que du point de vue zoologique elle est erronée, voire ridicule ! Le seul nom juste, pertinent, étant "Oska" ou "Ouska", et à la limite "lévrier de l'Azawakh".
Rassurons-nous, d'autres races canines subissent aussi une telle méprise dans leur dénomination. Ainsi le terme "Barzoï" est-il un générique signifiant simplement "lévrier" en langue russe; et "Chart (prononcer Hart) Polski" le terme générique pour le lévrier de Pologne...
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