40 ANNEES D'ARCHIVES A PARCOURIR
LA DISCUSSION SUR L'AZAWAKH - OSKA AU SEIN DU CLUB DU SLOUGHI
Réponse de Guy Mazel à Max-Yves Brandily
CLUB DU LEVRIER TOUAREG OSKA Paris, le 16 mai 1974
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Guy Mazel
à Max-Yves Brandily
vice-président du Club du Sloughi
Cher Monsieur,
Votre projet de réunir SLOUGHIS et OSKAS le 16 juin est très séduisant, et je vous remercie d'avoir envisagé d'en corriger, nous concernant, la forme d'invitation.
Concernant un examen comparatif de ces deux lévriers, il eut toutefois été souhaitable -je suis sûr que vous l'admettrez- que la commission d'étude comprenne, au départ, un représentant de l'OSKA berbère.
Cela dit, ce ne sont pas ces raisons qui nous empêchent de vous donner notre accord pour convoquer les propriétaires d' oskas par le canal de votre bulletin. En effet, nous devons, le 20 juin, présenter un lot de lévriers touaregs oskas à la commission des lévriers de la SCC, qui doit statuer sur leur sort administratif, et nous ne pouvons en si peu de jours disperser nos efforts.
Par ailleurs, le cheptel importé du Mali actuellement en Europe comprend quelques lévriers Akhami ramenés notamment du Gourma malien et voltaïque. En langue touarègue, le terme akhami désigne un métissage entre le lévrier (oska) et le chien générique (idi). Or une invitation générale ne pourrait amener leurs propiétaires à distinguer l'Oska de l'Akhami, risquant ainsi d'aboutir à des observations peu significatives voire confuses.
Nous serons donc présents à titre individuel à votre sympathique rendez-vous.
J'ai d'ailleurs pris à ce sujet, sur le conseil de M. Pérignon, contact avec le Dr Hervé, qui m 'a confirmé qu'il procéderait à des prélèvements sanguins sur les sloughis, dans un but d'étude hémobiologique. Toutefois, en l'état actuel des connaissances scientifiques, il n'est pas possible, m'a-t-il précisé, confirmant en cela ce que nous avait appris le docteur Roussel, de procéder à une étude d'hémotypologie comparative. C'est-à-dire que ces examens ne permettront pas d'établir le degré de parenté génétique existant entre le Sloughi arabe et l'Oska berbère. Par contre, l'étude morphologique à partir de photos devrait inaugurer une approche sérieuse du problème. J'y suis personnellement d'autant plus sensible que j'avais demandé à plusieurs reprises, en vain, de ne pas créer une situation irréversible avant tout examen sérieux de cette question.
Renouvelant l'entière confiance que nous avons en votre intégrité intellectuelle, je vous assure de mes sentiments les meilleurs.
Pour le bureau du Club du Lévrier Touareg Oska (Parigi - Coppé – Roussel)
Guy Mazel
QUAND LES PARIGI VISITAIENT L'AZAWAKH, SES NOMADES ET LEURS CHIENS
Correspondance avec Maryvonne Parigi
Correspondance de Maryvonne Parigi à Gervais Coppé
Bamako, le 18 février 1973
(…) La scission d'avec le Club du Sloughi ne nous a pas étonnés.
Issue fatale, et qui nous assure finalement plus d'oxygène. La situation administrative de nos chiens doit donc être désormais être étudiée sur des bases nouvelles. Il faudra être patient, car nous avons déjà pris de multiples contacts avec le ministère malien de l'agriculture et le service de l'élevage. Les responsables paraissent intéressés, mais cela retombe comme soupe au feu. Il sera très difficile d'obtenir de leurs services le minimum de correspondance régulière et de secrétariat qu'exigeront d'une part la liaison avec la SCC de France, et d'autre part la tenue d'un livre des origines du Mali. Et par ailleurs il est délicat pour nous de proposer de tenir un tel secrétariat car cela serait mal interprété, et paraitrait empiéter sur leurs prérogatives. Il est sûr que ces histoires d'inscription de chiens tombent dans un contexte non approprié, quand on sait la difficulté qu'il y a déjà à recenser les humains. Et il faut également avoir à l'esprit le fait que, à Bamako, ce sont surtout les toubabs qui sont propriétaires de lévriers. Envoyez-nous si possible la liste des opérations successives que les responsables maliens devront accomplir pour mettre sur pied le L.O.M. Et je crois que des indications émanant de la SCC, adressées au ministère de l'agriculture, donneraient du poids à nos démarches.
En ce qui concerne nos projets de voyage à Ménaka, je croyais vous avoir déjà indiqué que cette année il était pratiquement impossible de se rendre dans cette zone. L'année a été très mauvaise, il faut remonter à 1907 pour trouver un tel déficit de pluies. Et les services de sécurité craignent semble-t-il des troubles chez les nomades. Donc : suppression des autorisations de circuler. Pour Paris Match et autres revues, vous pouvez vous engager pour le début de 1974, car à l'automne prochain nous pourrons certainement faire un voyage approfondi dans cette région. Nous prenons déjà des contacts avec des chefs songhaïs étroitement liés aux chefferies dahoussaqs, de façon à pouvoir enquêter sur les lévriers dans les meilleures conditions possibles. Peut-être, par l'intermédiaire de l'un d'eux, Renato aura-t-il tout de même la possibilité dès le mois prochain de faire un périple entre Ansongo et Ménaka. Il paraît urgent de rechercher le plus tôt possible des chiots de bonne souche issus directement des campements dahoussaqs, car il ressort de nos premières enquêtes que ces tribus sont détentrices des plus beaux types de chiens, ce que nous pensions déjà, mais nous en avons eu confirmation par un notable de la région d'Ansongo. Par ailleurs ces chiens sont tout de même en voie de disparition, toujours d'après les autochtones, une année dure comme celle-ci risquant de leur être fatale. Par pénurie de lait, de mil, de gibier. Je parle ici des beaux types, car les bâtards, eux, semblent proliférer. Il est urgent d'agir.
Renato pense ramener, s'il peut partir, le plus possible de beaux chiots. Si vous pensez qu'il puisse y avoir des personnes intéressées en France, écrivez-le vite. Cette opération risque de revenir à plus cher : la location d'une Land Rover a enchéri, et il faut compter les cadeaux aux chefs, puis le transport en avion des chiots. De toute façon Renato ne pourra pas en ramener plus de trois, et encore !! Si vous pensez que ce n'est pas intéresant, ou que ce soit prématuré, écrivez-le nous également.
Le mâle que nous avons pris en pension s'améliore à vue d'oeil. Si nous parvenons à lui redonner un développement musculaire et respiratoire normal, il sera très beau. En tous cas, s'il arrive à faire des petits à Toboro, cela risque de faire de magnifiques chiots. Nous ne garderons que les deux plus beaux sans doute (…)
Bamako, le 23 avril 1973
(…) Nous avons bien reçu la lettre de Gervais et auparavant celle de Mazel, à qui je vais répondre également. Vous donnez l'impression de déployer une activité intense. Je n'ai pas reçu photocopie de la lettre adressée par Gervais à la FCI. Mazel me prévenait que tu me l'enverrais toi-même.
Guy Mazel nous a fait parvenir l'article de Mauvy concernant la manifestation de Tours. Cet article est suivi de la reproduction de quatre photos dont celle d'Aïkar (!) dont un gros plan a été avantageusement utilisé pour illustrer la « belle robe sable » ds sloughis arabes... Si tu vois Devillard, tu lui dis de ma part que je refuse que soient utilisées des photos de nos chiens pour leur publicité. Mazel lui-même semble n'avoir pas reconnu Aïkar, car il a écrit dessous au crayon: « lévriers touaregs (?) des Allemands »... Les balzanes ne sont pas apparentes sur cette photo, car sur Aïkar elles étaient très fondues et disparaissaient souvent à la photo. Je ne pense qu'il faille se vanter trop auprès d'eux que nous puissions trouver des oskas unicolores. Ce serait avouer une nostalgie pour leur standard que personnellement je n'éprouve pas du tout. Il faut surveiller l'extension des balzanes, mais à mon avis elles sont aussi un des charmes du chien, et cela donne souvent beaucoup de grâce aux pattes. Mais vous avez raison, en montrant le cas d'Adiknaz, de bien souligner ce que son ostracisme avait de ridicule. Je suis persuadée que des oskas unicolores existent au Mali, surtout je crois en portant la robe sable. (…)
J'espère que la situation de nos chiens se règlera assez vite, et sans trop d'encombre. Mazel nous a transmis le compte-rendu de votre rencontre avec Devillard. Je pense que ce dernier tient à surveiller vos activités, et à prendre la mesure du dynamisme avec lequel nos chiens risquent de s'imposer à côté des sloughis. A mon avis, ce ne devrait pas être un problème de rivalité. Le goût des gens opérera des choix, comme il peut déjà choisir entre des races de chiens si variées. Mais il faudra se rendre à l'évidence qu'il y a aussi, dans toute la frange au sud du Sahara, des chiens splendides et très racés. En échange des « conseils » que Devillard pourraient vous prodiguer... suggérez lui de faire disparaître de toutes les publications du club du Sloughi le fameux exergue qui dit que le club tend à retrouver le sloughi dans son milieu naturel !... Personnellement je pense comme Mazel qu'il y a mieux à faire que de polémiquer avec eux. Mais je ne digère pas leur malhonnêteté, et pour moi ces gens-là ne sont pas de véritables amis des chiens, et n'ont pas l'esprit curieux. (...)
EXTRAITS DE CORRESPONDANCE AVEC LES PIONNIERS - B.Lamarche
Bruno Lamarche (1974) - « A propos du standard du Lévrier de l'Azawakh :
- apparence générale :
(…) la distinction qui est faite entre le modèle des plaines et celui des régions rocheuses est du point de vue strictement morphologique tout à fait juste... mais l'appellation « des plaines » et « des rochers » me semble pour le moins exagérée.
Toutefois, les nomades en général et les Dahoussaaqs en particulier s'accordent à retenir que les individus de robe fauve sont plus à l'aise dans les rochers que ceux dont la robe est sable.
Néanmoins, dans le sud de l'Adrar et le nord du Tamesna, les zones rocheuses sont insuffisamment étendues et escarpées pour avoir donné naissance à un type « montagnard » différent morphologiquement du type « de plaine ».
Ce n'est donc sans doute pas là qu'il faille rechercher l'origine de cette importante différence morphologique. (…)
- membres postérieurs : l'existence d'un ongle noir « au moins » ne correspond , à ma connaissance, à aucune réalité « de noblesse » du chien, tout au plus, les Dahoussaqs, qui restent les meilleurs connaisseurs, préfèrent-ils que les ongles soient noirs, car, disent-ils ceux-ci se cassent moins aisément en terrains rocailleux.
- allures : aucune remarque, sinon que le trot relevé (genre de trot espagnol du cheval) et le « passage » du lévrier sahélien et de l »Azawakh, le rapproche plus du saluki que du sloughi.
(…)
- couleur : la robe présente toujours des balzanes, un plastron blanc, de même qu'un pinceau à la queue. La liste en tête, l'écharpe, bien que répandues ne sont pas souhaitables, et ceci pour plusieurs raisons :
1- ces tâches sont inesthétiques,
2- des reproducteurs qui possèdent déjà du blanc engendreront bien évidemment des produits mal tâchés (l'expérience le prouve, la génétique également).
3- depuis 1971, une sélection très sévère a été réalisée, éliminant sans discussion les sujets présentant des écharpes et des listes importantes. Des portées entières ont été ainsi été supprimées; à l'heure actuelle plus de 40 chiens ont été écartés.
Il serait donc à mon avis très regrettable d'aller maintenant à l'encontre de cette sélection qui a permis l'obtention de très beaux produits.
Remarque : une liste en tête très légère ne doit pas entraîner l'élimination des chiots, car l'expérience prouve que vers 7 à 8 mois ces listes s'estompent ou disparaissent.
(…) Conclusion : Je dirais que je suis d'accord avec le standard existant, à l'exception des points concernant les ongles et les tâches blanches.
EXTRAITS DE CORRESPONDANCE AVEC LES PIONNIERS - F.Roussel
François Roussel - (6 nov. 72) Sur la pigmentation.
« Les divers caractères de coloration de la robe des chiens sont déterminés par différents gènes. En ce qui concerne le cas particulier des balzanes et des listes en tête, d'ailleurs accompagnées d'autres zones blanches (poitrail, cou ou nuque, extrémité de la queue), c'est un locus particulier (site précis sur un chromosome) qui est responsable de l'étendue et de la répartition des plages non pigmentées se traduisant par l'aspect blanc du pelage. Ceci s'explique embryologiquement par la non-migration vers certaines parties de la peau de cellules-souches spéciales se transformant normalement en mélanocytes (cellules chargées de différents pigments que sont les mélanines).
Le locus qui nous intéresse est appelé locus «S» avec un gène pouvant exister sous la forme de quatre allèles différents (quatre états différents correspondant chacun à la production de caractères particuliers). On les appelle: S – S.i – S.p – S.w.
1- S (self): pigmentation complète, à l'exception de très rares poils blancs
2- S.i (irish spotting) : tâches blanches (balzanes, liste, plastron...)
3- S.p (piebald spotting) : robe pie
4- S.w (extreme white piebald) : présence de quelques très rares zones pigmentées.
Cependant ce gène S.i ne s'exprime pas toujours pleinement. D'autres gènes dits modificateurs sont susceptibles de minorer ou de majorer l'étendue de ces zones. (…)
(…) Le mécanisme d'extension des tâches blanches n'a rien à voir :
1- avec le mécanisme de dilution des couleurs, lequel dépend d'un autre locus : le locus D, avec un couple d'allèles D et d, D étant dominant sur d. Conséquence pratique : D étant la réalisation pigmentation intense, tout reproducteur même hétérozygote avec D peut marquer une descendance de sa pigmentation dans 50% des cas.
2- avec le ladre, lequel concerne les parties glabres.
(…) D'autre part, une sélection bien menée permet de fixer la limite de hauteur des balzanes si l'on arrive à avoir des individus homozygotes S.i – S.i. Et même s'il n'en est pas ainsi, S.p et S.w étant récessifs par rapport à S.i; donc le phénotype pie n'apparaitra que très rarement, une fois sur quatre dans les cas les plus défavorables. (…)
(…) Il faudrait donc être absolument catégorique en ce qui concerne la robe pie, la rejeter formellement, puisque, vous le voyez, l'apparition d'une robe pie prouve le caractère S.p marqué deux fois, donc réinjecté deux fois plus souvent dans la descendance.
Une hypothèse très personnelle : S.w est caractérisé par de très rares poils sombres , le plus souvent situés dans la région du masque; les individus représentant ce caractère sont donc eux aussi des homozygotes rares, qui seraient représentés par les quelques sloughis blancs, lesquels, si j'en crois le standard du bulletin n°1, sont admis bien que peu désirables, alors que génétiquement ils représentent l'évolution terminale de la robe pie !! Laquelle est à juste titre proscrite puisqu'elle n'a jamais été, à ma connaissance, reconnue par les autochtones.(...)
L'étude historique et ethnologique que vous m'avez proposée et que j'ai fait lire à mon beau-père (archéologue -NDLR) sont très intéressantes. Je crois qu'il est préférable d'extrapoler un peu parfois, quitte à revenir ensuite, plutôt que de se cantonner dans la classique banalité du genre « l'origine de ce chien se perd dans la nuit des temps » ! De toutes façons, je sais que ce sont des hypothèses, donc sujettes à remaniements.
A ce propos je vous communique ce que mon beau-père et moi-même avons pensé à ce sujet.
Les régions sahariennes et péri-sahariennes ont connu un peuplement néolithique infiniment plus ancien qu'on ne le supposait jusqu'à ces dernières années; ces régions n'étaient pas le creuset où venaient se fondre des peuplades expulsées par des conquérants, mais plutôt où existait une population autochtone issue du paléolithique finissant.
Il en est certainement de même pour le chien, animal domestique pour lequel il serait abusif de chercher les origines au moyen orient.
Comme par ailleurs, malgré les courants qui ont pu la traverser, l'Afrique de l'ouest a été une région relativement imperméable qui n'a connu comme invasion importante que celle des Arabes, il est fort probable que les chiens actuels soient dans l'ensemble des descendants directs du vieux stock canin néolithique. S'il est une région dans le monde où l'espèce canine s'est perpétuée assez semblable à elle-même, c'est bien là qu'on peut la trouver. Ceci est d'autant plus vrai que les conditions climatiques, et géographiques dans un sens large, ont dû contribuer au maintien de la race par « reproduction en vase clos ». Il ne faut pas perdre de vue que pour beaucoup de régions d'Afrique le mode de vie du siècle dernier, et même parfois encore de nos jours, est exactement le même qu'il y a 6000 ans; les gravures rupestres sont là pour en témoigner.
Autre point : si l'on sort du strict cadre actuel pour repenser aux grandes lois de l'évolution des animaux, comment notre lévrier est arrivé ainsi ?
Au départ c'est un carnivore sur lequel le milieu extérieur a imposé une sélection naturelle pour sa survie -l'aptitude à la course- puisque les herbivores sahariens sont très rapides.
Or tout animal qui veut augmenter sa vitesse de pointe subit invariablement pour la réalisation de ses grandes fonctions des modifications anatomiques allant toujours dans le même sens. Les plus frappantes sont: pour la locomotion l'allongement des rayons osseux des membres, pour la respiration l'augmentation de la capacité pulmonaire compatible avec l'aérodynamisme, la silhouette à la poitrine profonde, l'aspect levretté.(...)
(…) Tous les stocks canins, anciens et actuels, ont fait l'objet d'une sélection affirmant l'adaptation performante à la course et à la chasse, en y alliant des critères de beauté (robe, port des oreilles, de la queue) qui relèvent des traits culturels des sociétés qui les détiennent. »