AZAR, L' ORPHELINE BLEUE
C'était en janvier 2007, j'offrais à mes deux filles un voyage au nord-est du Mali, jusque dans la vallée de l'Azawakh. Une sorte de pélerinage, pour elles qui ont grandi entourées de nombreux azas-oskas.
Notre périple nous avait conduits jusque Tamalett, dans la vallée de l'Azar, là où j'avais "reçu" Tekewelt (une lice bringée fondatrice) 21 ans plus tôt...
Au retour, faisant une pause à In-Chenanane, un campement pauvre où les adultes étaient absents, nous voyons deux chiots bien alertes jouant avec des enfants. L'un des deux a captivé notre surprise, avec une robe uniformément bleue et des yeux jaunes. Les enfants nous apprennent que ces chiots sont des orphelins recueillis, étrangers au campement. Et ils nous proposent de les emporter. L'adoption fut vite conclue, moyennant une généreuse contre-partie alimentaire, pour ces nomades visiblement éprouvés par la nécessité.
Chacune de mes filles choisit son protégé : le mâle (fauve bringé, typé aza) ira à Bordeaux, et la femelle sera couvée par Alexandra, à Grézels.
Etonnante, cette petite "bleue" baptisée "Azar": très alerte, résistante, et intelligente, capable de bien s'intégrer à une meute où elle a su s'allier aux dominants.
Mais il était hors de question de la considérer comme un Lévrier de l'Azawakh, et de solliciter d'un juge une inscription à titre initial. Et cela pour plusieurs raisons :
- sa construction, longue, le fouet chargé et la peau épaisse n'expriment pas l'aza;
-sa robe diluée (bleue et yeux jaunes) sont des traits hors-standard;
- et son caractère est étranger au tempérament réservé, distant, que nous connaissons bien.
Et pourtant, voilà un sujet importé du coeur de la vallée de l'Azawakh ! D'autres que nous auraient considéré que voilà "du sang neuf et frais venant d'Afrique"...
Eh oui, même dans le sanctuaire de la race on trouve des sujets au sang mêlé. Cela, nous l'avions déjà constaté avant 70, avant les perturbations liées aux cycles de sécheresse et aux troubles politiques.
Rien d'étonnant, après tout : devrait on croire que de Biarritz à Perpignan on ne trouve que des chiens "pure race Montagne des Pyrénées"?
Et chez les éleveurs-chasseurs que sont les Dahoussaaqs et certains groupes touaregs, on sait faire de la sélection ! Pour notre bonheur...
La cynologie s'est constituée chez nous au 19°siècle en opérant des sélections avec méthode et selon des critères précis. Tous les types canins (qu'on appelle races, une notion discutée) ont été affinés, précisés par la volonté de l'homme, dans un processus de sélection qui obéit à des standards. C'est un des résultats de la domestication.
L'animal dénommé Oska par les nomades chasseurs de l'Azawakh est bien le fruit de leur activité sociale, ce qui permet de trouver aussi dans le même milieu et à la périphérie des types voisins et cousins de ce chien que nous avons adopté et tenons à préserver.
Les voyageurs et touristes qui ont ramené de leurs périples des chiots aux types variables ont raison de les brandir en criant que la variété "existe" dans ce pays immense.
Mais alors, si ces gens contestent les pratiques de la cynophilie, qu'ils se retirent des expositions et des livres d'origines !
Bref, notre charmante petite Azar a, depuis, mené une heureuse vie de chienne auprès d'une famille anglaise du Lot. Elle a été stérilisée, ce qui ne l'a pas empêchée de chasser les chevreuils prédateurs, et avec un grand succès.
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