"Anthologie du lévrier" - bon de commande
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A Jacques Verchère, grand cynophile, grand spécialiste du lévrier et des courses. Un homme que j’appréciais particulièrement, pour sa gentillesse, son honnêteté et son dévouement pour son magazine consacré aux lévriers. Nous avions des points communs, nous avons tous deux œuvré au sein du comité de la Société Canine de l’Île-de-France, lui comme trésorier et moi comme secrétaire général, et comme moi, il avait toujours un couvre-chef sur la tête dans la tradition française.
Prologue
Le lévrier est là depuis des siècles, même des millénaires. L’Antiquité connaissait le lévrier, il portait à l’époque les oreilles droites et il était répandu tout autour de la Méditerranée. Ses survivants sont toujours là aujourd’hui, Pharaon, Cirneco, Podenco, Podengo. Il vivait également en France jusqu’à ce que la cour d’Aix-en-Provence l’interdise de chasse en 1879, et ce fut sa fin. C’est une décision de justice qui a éliminé une race qui vivait sur notre sol depuis plus de 2 000 ans. Mais les hautes autorités de l’Etat ne se sont pas contenté de mettre fin au Charnaigre, elles ont également mis fin au Lévrier de chasse avec la loi de 1844, ce qui fait que la France n’a aucune race de lévrier, alors que le lévrier était très répandu chez nous pendant des siècles.
Au Moyen Âge il y avait deux variétés de lévriers très appréciées et regardées comme des lévriers de très grande qualité. Tout d’abord le lévrier de Bretagne de grande réputation et le lévrier de Champagne. C’était les deux régions les plus réputées pour leurs lévriers. Tous les nobles possédaient des lévriers, ce n’était pas simplement un chien de chasse, c’était également un chien de compagnie pour les hommes nobles. C’était d’ailleurs le seul chien de compagnie possible pour un homme. Mais c’était en même temps un formidable chasseur utilisé seul ou en couple pour le lièvre, mais également accompagnant le chien courant pour les grosses bêtes. La meute poursuivait le gibier, mais au moment de l’hallali, on lâchait les lévriers pour coiffer la bête.
Jusqu’à Louis XIII, le lévrier a fait partie de la vénerie royale. Sous Louis XIV, le lévrier n’accompagnait plus la meute et c’est la meute qui prenait le gibier. Mais Louis XIV chassait de temps en temps aux lévriers, il allait voir prendre des sangliers dans les toiles avec des lévriers, il y avait donc encore des lévriers qui appartenaient au roi, mais ils étaient très peu utilisés. A partir de Louis XV, c’est terminé pour le lévrier, le chien courant est roi et le chien d’arrêt prend une très grande importance. Le lévrier n’est plus répandu, alors qu’il l’a été pendant des siècles au préalable. Il y a encore des lévriers chez quelques nobles, mais de moins en moins. Il faut dire que les armes à feu ont fait d’énormes progrès, et on préfère chasser maintenant avec un fusil et un chien d’arrêt, ce n’est plus le lévrier qui arrête le lièvre, mais le plomb du fusil.
La révolution française donne à chacun le droit de chasser, et le bourgeois ou le paysan n’aura pas l’idée de prendre un lévrier, c’est le fusil qui compte. Le noble lui entretiendra toujours une meute, mais le chien courant chassera seul, il n’y aura plus ni dogue, ni mâtin, ni lévrier pour l’accompagner. Malgré tout dans certaines régions, et notamment en Champagne, quelques individus utilisaient encore le lévrier et cela était très mal vu, à la fois par les cultivateurs et par les autres chasseurs. Tant et si bien, que des plaintes furent déposées et que cela se termina par la loi de 1844, qui interdit définitivement l’utilisation du lévrier à la chasse.
En Angleterre, la chasse et la vénerie avaient évoluées comme en France et le lévrier n’était plus aussi répandu qu’avant, mais par bonheur, les Anglais sont d’incorrigibles parieurs, et lorsqu’ils faisaient une course avec leurs lévriers, ils ne se contentaient pas de chasser, ils faisaient des paris sur le lévrier qui allait tuer le lièvre. De fil en aiguille, c’est le jeu qui devint plus important que la chasse elle-même et le coursing était né. En France, pendant des siècles, nos ancêtres ont pratiqué le coursing sans savoir que cela était du coursing, ils chassaient avec un couple ou un trio de lévriers et prenaient plaisir à regarder la course. Habert en fait l’éloge en 1599, mais nos ancêtres étaient chasseurs mais pas joueurs et ils ne pariaient pas. Le coursing, c’est en fait la course aux lévriers que l’on a pratiqué pendant des siècles, mais avec le jeu et les paris en plus. Dans les épreuves de coursing en Angleterre, il y avait des bookmakers et la foule des spectateurs était là pour parier comme pour les courses hippiques. C’est ce qui a sauvé le lévrier en Angleterre.
Aujourd’hui, il n’y a plus de coursing nulle part, les courses de vitesse ont pris la suite et le lévrier ne chasse plus beaucoup, excepté dans de rares pays. Mais le lévrier a été pendant des siècles un formidable chasseur, et c’est ce que nous allons voir dans cette anthologie.
Permettez-moi de faire un rêve, imaginons que nos députés soient un peu courageux et abrogent la loi de 1844, et que nos lévriers puissent encore poursuivre un lièvre en toute légalité. Je pense que ce serait une bonne chose, et que cela ne mettrait pas en danger la pérennité du gibier.
N’oublions pas que le mot lévrier était à l’origine liévrier et que cela veut bien dire ce que ça veut dire.
J’espère aussi qu’un jour les Lévriers à oreilles droites rejoindront le 10e groupe qui est leur vraie place.
Jusqu’à Louis XIII on disait lévrière pour la femelle ce qui était logique, et ensuite à partir de Louis XIV, je ne sais pas pourquoi, on utilisa le mot levrette, alors que levrette était à l’origine le nom réservé aux jeunes chiennes.
Jean-Claude HERMANS
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